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est-ce nécessaire faire des études pour devenir comédien ?

Je vais répondre à cette question en faisant la comparaison avec la musique. Imaginez que vous voulez apprendre à jouer d’un instrument mais votre ambition c’est d’apprendre à jouer du sifflet. Dans ce cas il n’est pas nécessaire faire des études. Il suffit d’acheter votre sifflet souffler dedans et c’est tout. Vous pourrez néanmoins devenir connu et faire la une des magazines people mais vous resterez toute votre vie un joueur de sifflet quoi que vous fassiez dans votre vie professionnelle (c’est malheureusement le cas de beaucoup des comédiens et comédiennes aujourd’hui). Si votre ambition est de devenir artiste et d’apprendre à jouer du piano, violon, clarinette, chanter, etc. Alors, oui, il faut faire des études longtemps et travailler… avec plaisir, certes, mais travailler beaucoup.

Si votre ambition c’est juste de jouer en tant que comédien/acteur à la TV dans des feuilletons ou séries ou des téléfilms de bas gamme même des films (des films que j’appelle domestiques) ou au théâtre des pièces de théâtre inconsistantes, sans substance alors là il ne faut pas faire trop d’études.

Si vous voulez devenir un comédien/ comédienne créatif et artistiquement ambitieux dans ce cas il faut étudier longtemps.

Javier Cruz

L’instrument du comédien/enne

PERCEPTION, ATTENTION, IMAGINATION, MÉMOIRE et EXPRESSION 

I Partie

Nous sommes notre propre instrument expressif.  Oui, mais cet instrument il faut le construire pour qu’il soit capable de répondre à nos ambitions créatives. Nous voulons incarner des personnages qui soient CRÉDIBLES. Ça veut dire que le public soit touché par les ACTIONS que nous créons.

En définitive nous cherchons à PARTAGER  avec un public une histoire.

Depuis des siècles nous comédiens savons que ce PARTAGE consiste à toucher le public, à le tenir en haleine. La question qui se pose est : comment est-ce qu’on fait ça ? Quelle technique ? Par quel procéder ? Et Stanislavsky  vient nous répondre avec le système de l’ ACTION PHYSIQUE. Et ensuite Meyerhold, Sudakov, Zakhava, Eisenstein, Vakhtangov, Grotowsky, Eugenio Barba, Antonio Malonda, Carlos Gandolfo, Peter Brook, Nicholas Ray, entre autres.

La chose est très simple : quand un comédien réalise une ACTION, une série de neurones s’activent dans un endroit bien précis de son cerveau et, en même temps, dans le cerveau du spectateur qui regarde l’action, le même groupe neurones s’active aussi, créant ainsi une communication non visible et une compréhension physique immédiate entre le comédien et le spectateur. Qu’est-ce qu’une ACTION ?  Une action c’est ce que le comédien-personnage FAIT CONSCIEMMENT ET VOLONTAIREMENT DANS UN BUT PRÉCIS. S’il n’y a pas de but, d’intentionnalité dans l’action alors rien ne se passe dans les cerveaux du comédien et du spectateur. Si le comédien ne sait pas pourquoi, dans quel but il fait ce qu’il fait le désintérêt du spectateur est total, il s’ennuie. Ceci est un fait objectif, scientifique.

Depuis quelques années les expériences très récentes faites par les neuroscientifiques comme Giacomo Rizzolatti qui est un des pionniers dans ce genre de recherches, avec des comédiens/ennes et danseurs/seuses démontrent et expliquent  tout ce que je suis en train de vous communiquer.

Théâtre est l’endroit où on regarde. Le mot vient du grec et ça veut dire regarder. Regarder les actions.

La question est que l’action doit être faite avec art et avec véracité.

Fruit de mes recherches personnelles et de mon expérience avec mes élèves au long de 35 ans d’enseignement et bien sûr grâce à mes maîtres, j’ai appris que notre instrument  doit se construire sur la base du développement de la CAPACITÉ d’ EXPRESSION, de la PERCEPTION, l’ ATTENTION, l’ ÉCOUTE, l’ IMAGINATION et la MÉMOIRE.

1 – Le corps du comédien doit être CAPABLE d’ EXPRIMER avec précision et conscience leurs propres impulsions expressives- émotionnelles. Avec des exercices adaptés, le corps deviendra, petit à petit, sensible à ces impulsions et celles-ci seront exprimés spontanément. C’est-à-dire sans crispations musculaires et nerveuses qui pourraient réprimer leur expression. Il nous faut un corps bien coordonné qui respire aisément et, une voix spontanée, autrement dit une voix non préfabriquée mais sincère, avec une bonne gestion du souffle.  Ceci et la première étape de la formation de l’élève.  L’action est une création du comédien et il faut un instrument capable de la créer. Ces exercices destinés à atteindre les objectifs ci-dessus décrits, développent non seulement les sens « ordinaires » (le touché, le l’odorat, l’écoute, etc.) mais aussi le sens de la perception de soi-même et de l’autre. La suite bientôt…

Javier Cruz copyright 2023

Description du système de l’action physique qui nous vient de Stanislavsky. Un exemple.

Une ACTION, c’est ce qui FAIT un personnage consciemment et volontairement dans un BUT PRÉCIS et, qui rencontre une réponse (RÉACTION) complètement INATTENDUE de l’autre personnage.

Exemple simple (extrait du film avec Javier Bardem « le bon patron ») : Un ouvrier qui se sent victime d’une injustice, manifeste depuis quelques jours à côté de l’entrée de l’usine dont il a été licencié. Le patron n’aime pas ça. Alors, un jour, excédé par cette attitude, Il s’approche de cet ouvrier. Il MARCHE vers lui très décontracté, SOURIANT. Il lui TEND LA MAIN et lui PARLE très TRANQUILLE, très AIMABLE. Avec un ton PATERNALISTE, lui demande combien d’argent il veut en échange d’arrêter son « cirque » et lui dit qu’il est prêt à le réintégrer dans son ancien poste . Tout cet ensemble DE MOUVEMENTS EXPRESSIFS ET EXPRESSIONS VERBALES du personnage du patron est une ACTION PHYSIQUE. Celle-ci est alimenté par une MOTIVATION interne (le but, l’objectif, ce que le personnage veut, le besoin du personnage, le pourquoi il se bat – vous pouvez appeler ça comme vous voulez – c’est à dire que l’ouvrier arrête de lui casser les couilles). La RÉACTION du personnage de l’ouvrier face à la proposition du patron ne pas celle que celui-ci à prévu ou qu’il souhaite (c’est à dire que l’ouvrier cesse de manifester) mais une autre complètement INATTENDUE. Le personnage de l’ouvrier RÉAGI avec VIOLENCE, INSULTES ET MENACES. Il refuse l’offre du patron, créant ainsi un CONFLIT entre eux deux. Ceci est la base de toute ouvre dramatique. Dramatique pas dans le sens triste ou tragique mais dans le sens « ACTION ». Une comédie est aussi une ouvre dramatique. Drama vient du grec et ça veut dire Action.

Javier Cruz copyright 2023

« Les expériences en neurosciences qui ont été faites à l’Université de Parme en Italie, sur l‘activité cérébral du public face aux comédiens ou comédiennes entraînés dans le système de l’action physique, sont sans appel et valident amplement le système de l’action physique initié par Stanislavsky et développé par ses disciples et ses prédécesseurs ».

Réflexion

Un de mes maîtres, le grand Carlos Gandolfo, me disait avec ironie, qu’il était loin le temps où les professeurs d’interprétation travaillaient avec leurs élèves d’une manière imprécise, sur des bases faibles, vieilles traditions et quelques conseils occasionnels.

Pendant le XIX siècle les sciences et les arts expérimentent en occident un essor considérable.

Dans l’art du chant, par exemple, Manuel García (1805-1906), à travers ses recherches scientifiques sur l’anatomie du larynx est à la base d’une considérable révolution dans l’enseignement du chant. Manuel García est encore aujourd’hui un référent mondial pour les chanteurs classiques ou de comédie musicale. Dans le domaine de l’interprétation il y a eu aussi un considérable essor. Stanislavsky (1863-1938), a été le créateur d’une méthode harmonique, organique, holistique et consciente pour comédiens et comédiennes, que constitue encore aujourd’hui une référence mondial pour les plus grands, sans distinctions de langue ni de culture.

Stanislavsky nous a transmis les principes les plus importants de notre art. Et surtout nous a révélé que ces principes appartiennent à la propre nature de l’être humain. Il disait : « Il nous faut une technique interne qui nous mène vers la création artistique consciente. Se laisser aller à la secousse de la première émotion qui nous envahie et la prendre comme de la vrai inspiration est lamentable. Le comédien doit être capable de vivre une intense vie intérieure qui est le fruit d’une élaboration complexe s’il veut transmettre au spectateur une vraie émotion scénique « 

Javier Cruz